Party all the time [Laurence]

Ses talons aiguilles quittèrent à la dernière seconde le plancher de danse, leur cliquetis se dirigeant, avec tout autant d'énergie que la soirée passée, vers la particulière table cible. Pas très différente des autres, du bois et du métal, rien de bien passionnant, pour seule spécialité de recevoir des personnes uniques en leur genre. Robyn s'y faisait toujours attendre, trop fêtarde peut-être, mais c'était sa nature. On ne pouvait pas se dorer d'avoir une vie sans en profiter un minimum; Jouer à dépasser les limites, n'importe où et avec n'importe qui, rien de plus attrayant pour une femme moderne et maléfique jusqu'aux bouts des ongles. Les lumières mouvantes re-dessinaient ses traits, pas à pas, creusant un peu plus le contour de son regard, éclairant ses jambes dénudées, si blanches déjà. Pas une tenue pour chasser, comme elle se plaisait à le dire, juste un petit rien pris à tout hasard, noir évidement. Éblouissant d'un sourire son passage, elle retrouva enfin son amie, espèrant ne pas subir ses foudres.

L'alcool coulait ici depuis tant d'années, tant de nuits en sa compagnie, à parler de tout, de rien. Une amitié sincère, pour ce qui lui paraissait. Les souvenirs défilaient un à un, ressassant le passé, les vieilles histoires comme les plus récentes, analysant et rigolant d'un rien, autour d'un verre, ou cinq.

Flash-back commun

Une petite tornade, tournouillant encore et encore, chantonnant une sorte de contine, ou une charade, difficile d'en juger. Couteau à la main, elle sautillait de gauche à droite, puis recommençait. Un rituel, un jeu, simple sadisme? Allez savoir. Une personne mourrait ce soir, sans raison aucune, Simple, cruel, parfait. La lame tailladait ici et là, coupant des lambeaux de vêtements au passage, sous les cris d'une fillette, qui pourtant n'y ressemblait guère. La souffrance aiguisait énormément la voix, une évidence à n'en plus douter lorsqu'on voyait ce vieux colosse hurler comme s'il n'était jamais devenu homme. Le sang ne giclait pas, les coupures n'étant pas assez profondes, il se répandait avec une douceur, presque avec tendresse si on regardait du bon angle...

Il suppliait, encore et encore, mais ce n'était pas suffisant. Mal dit, non précis, flou, toutes les excuses étaient bonnes pour continuer le martyre, à quoi servirait un meurtre si on abrégeait les souffrances de l'heureux élu? Et puis il le méritait, il se pavanait avec sa calvitie à deux sous, l'air supérieur. Elle avait bien fait de l'épingler avant qu'il n'attrape pire numéro! Comme une enfant, se réjouissant du cadeau des cieux, elle se tortillait tout autour du quinquagénaire, qu'elle déballait avec grand enthousiasme , un bout à la fois. Faire durer le plaisir, apprendre la patience, drôle de vertue pour une démone. Jusqu'à ce qu'une autre personne la rejoigne, bien entendu...

Laurence était assise à la table délaissée depuis un certain temps par Robyn qui se déhanchait de manière endiablée sur la piste de danse. Mais la démone de l'illusion n'était pas restée seule durant l'absence de la danseuse. Sans doute son pantalon moulant noire assortis à son corset mauve nuit lacé devant sa poitrine blanche expliquaient-ils le défilé d'homme qui avait tenté d'approcher la démone. Laurence ne les repoussait jamais d'elle même, mais les pauvres avaient souvent tendance à voir leur femme arrivé au l'instant même où ils prononçaient la célèbre phrase, je vous offre un verre?

Laurence imaginait parfaitement l'incompréhension de ces hommes rentrant chez eux, leur femme étant là, ne se souvenant pas avoir été présentes dans ce café. Un sourire se dessina sur les lèvres rouges sang de la démone.
Un serveur arriva, une bouteille de champagne présentée dans un superbe seau à champagne en argent dans ses mains.

"De la part de ce monsieur."

Laurence jeta un coup d'œil à l'homme en question et à Robyn. Elle était toujours sur la piste de danse. Laurence décida de s'amuser un peu. Elle prit une coupe, la remplie de champagne et s'approcha de l'homme en question. Le bruit de ses talons étouffés par la musique ambiante, elle s'assit devant l'homme. Elle lui sourit.

"Je n'accepte jamais une bouteille d'un inconnu."

L'homme lui sourit de ce sourire qu'on les jeunes loups en quête de reconnaissance.

"Jason. Jason Preston. Je ne suis donc plus un inconnu."

Laurence détestait ces hommes condescendant, pensant que leur réussite sociale leur permettait de se montrer en plein jour, alors qu'ils n'étaient que de vulgaire humain. Laurence fit signe à l'homme de se pencher sur la table, et lui susurra à l'oreille.

"Laurence, Laurence Leers."

L'homme blêmit. La réputation de Laurence dans la ville de New York était assez conséquente. Ses fréquentes chasses aux humains étaient presque aussi célèbre que sa manie de torturer mentalement les gens. Cela lui rappela un épisode de sa vie, sa rencontre avec Robyn

Flash Back

Laurence observait depuis un petit temps ce bout de démone, à peine sortie du lait maternelle. Elle était d'une cruauté prometteuse. Depuis déjà de longue minutes elle tailladait méticuleusement le corps de son sujet d'expérience. Elle était douée, sadique, folle peut-être. Tout ce que Laurence aimait, mais elle manquait d'expérience. Déjà son sujet comprenait qu'il aurait beau hurler, crier, supplier, se taire, quoi qu'il fasse, il savait qu'il finirait découper en petit morceau dans un sac poubelle.
Cette jeune femme lui semblait si prometteuse qu'elle décida de se joindre à elle.
Doucement, sans l'effrayer, Laurence était sortie de l'ombre dans laquelle elle était resté depuis quelque minutes. Avec sa peau blanche et ses vêtements noirs, elle ressemblait à un ange de la mort. Mais Laurence n'avait rien d'un ange. Elle était plutôt le diable.

Elle s'approcha de la démone, essayant de ne pas l'effrayer puis posa sa main sur son épaule.

"Tu dois lui donner de l'espoir" lui murmura-t-elle à l'oreille.
"Laisse le croire que tu vas le libérer, joue encore plus avec lui."

Laurence ne savait pas comme la démone réagirait, mais elles pouvaient peut-être se comprendre ...

Métal contre peau, déchirant doucement jusqu'à l'échine, forcé à la déviation par un os trop solide pour la force que possédait notre jeune égérie, tel était le tableau que peignait doucement l'artiste. Jet à jets, une vraie petite fontaine...Une image qui osait rappeler un vieux film horrifique, navet pour ses temps modernes, la sauce tomate étant remplacée ici par ce qui se devait d'être au grand dam de l'heureux élu. Une étincelle sur ce regard fixe, bien que son corps ne cessait de gambader aux alentours de la prise, comme une flamme se découvrant petit à petit, enflammant cette passion jusqu'aux tréfonds de l'être horrible qu'elle était. Un moment du quotidien, le meilleur sans conteste, pur, sacré. Toujours commencer la journée avec une bonne dose de caféine, la finir en évacuant ce trop plein d'énergie sur un homme, de préférence. Efficace contre l'insomnie et les cauchemars, méthode approuvée depuis des siècles!

Alors que son remède hurlait, comme une fillette il faut le rapeller, une femme fit son apparition, une véritable illumination. Avec toute cette activitée, jamais elle ne l'avait vu approcher, cependant elle ne manqua pas un mot de ses murmures. Une évidence, la touche magique à ajouter pour que le meurtre prenne son sens, la solution tant cherchée et finalement atteinte, non sans aide. Pour l'instant qu'une étrangère, cette femme connaissait sans contredit l'art de la torture mieux que notre débutante, le volet psychologique manquant peut-être à l'appel. Qu'à cela ne tienne, il ne fallut pas bien de temps pour que les paroles prononcées fassent leur chemin. Robyn n'était peut-être pas très entraînée, ni très âgée, mais l'âme noire qui la portait était suffisament détraquée pour comprendre ce que signifiait l'espoir inutil, jusqu'à quel point la violence pouvait atteindre des sommets.

Sur l'émotion de cette découverte surement, plus un mouvement, plus un chant. Elle s'assit, brusquement, un air angélique sur le visage, aux limites de la compassion. Hypocrite?

-Non. Assez jouer. Je ne peux pas continuer, j'arrête tout!

Ses grands yeux larmoyants accompagnée d'une moue, de ce ton de reproche à elle-même, il n'en fallait pas plus pour que l'idiot accroche. Comme prévu, quel poisson. Relevant sa carcasse, titubant, il n'osait chercher de réponse à ce comportement, ni prêter attention à l'intervention soudaine de cette ange des ténèbres, il voulait seulement partir, sauver sa vie, sa misérable existence. Aucune valeur, aucun jugement, aucune chance.

Plus vite que l'éclair de retour sur ses pieds, souriante à l'extrême, elle regardit son jouet s'éloigner.

-J'adore!! Et maintenant on le rattrape, et on le tue, c'est ça?, dit-elle avec toute l'innocence que pouvait porter un coeur comme le sien, rempli de naiveté, une confiance précoce envers cette cette mystérieuse gothique sortit d'outre-tombe.